
La scène musicale camerounaise est en constante mutation, avec l\'émergence de nouveaux genres et de nouvelles habitudes de consommation à l\'ère numérique. Mais quels sont les facteurs qui influencent réellement les goûts musicaux des Camerounais ? Notre riche patrimoine anthropologique et notre multiculturalisme unique, avec plus de 250 ethnies, jouent-ils un rôle dans la formation des préférences musicales du public ?
Le Cameroun est-il un pays enraciné culturellement ?
Malgré les avancées notables dans divers domaines depuis l\'indépendance du Cameroun, la musique semble avoir été laissée pour compte. Le statut de l\'artiste reste flou, les droits d\'auteur sont mal protégés et les sociétés de gestion collective peinent à fonctionner efficacement. L\'absence de salles de spectacle et d\'infrastructures adéquates handicape le développement du secteur. Pourtant, la musique est un vecteur essentiel de l\'identité culturelle et de la créativité camerounaise.Le Cameroun, souvent qualifié d\' \"Afrique en miniature\" en raison de sa diversité culturelle exceptionnelle, abrite une scène musicale dynamique et variée. Les différents genres musicaux traditionnels, tels que le Bikutsi, Le Mbol, l\'Elone, le Makossa,l\'Assiko,le Makounè le Njang, le Magambeu ou encore le Bensikin, reflètent la richesse culturelle du Cameroun. Des artistes comme Lady Ponce, Petit-Pays ou encore Manu Dibango ont su moderniser ces rythmes pour les rendre accessibles à un public plus large.
Comment les nouvelles influences impactent sur la création camerounaise?
La mondialisation et surtout l\'arrivée d\'internet impact dans tous les domaines et la musique n\'est pas en reste; la musique camerounaise est également impactée par la mondialisation et l’essor des genres urbains tels que L’Afropop, le Dancehall et l’Afrotrap, l’Amapiano,l’Afrobeats. Au Cameroun, l’Afropop est portée par des artistes comme Mr. Leo, Daphne, Stanley Enow ou Blanche Bailly, c\'est un rythme qui domine désormais les playlists des jeunes Camerounais. Ces nouveaux genres, souvent chantés en pidgin, en anglais ou en français, sont le reflet d’une génération connectée au reste du monde.Sur Boomplay par exemple, les chiffres parlent d\'eux-mêmes; l\'artiste congolais Fally Ipupa trône en tête des charts avec une régularité impressionnante, occupant la première place du classement chaque mois. Cette domination est un indicateur clair de la préférence des Camerounais pour la musique étrangère.
D\'ailleurs, d\'après le Rapport des chantiers musicaux Camerounais, les camerounais écoutent :
- Bikutsi
- Makossa
- Ndombolo
- Rumba
- Gospel
- Amapiano
- Rnb
- Pop française
- Coupé-décalé
N.B: Liste complète à voir dans le rapport dénommé : \" Introduction au schéma de développement de la musique camerounaise\"
L’arrivée des plateformes numériques a radicalement changé la façon dont les Camerounais consomment la musique. Les CD et les cassettes, autrefois omniprésents, ont laissé place au streaming qui est devenu le mode de consommation dominant, offrant un accès instantané à une variété infinie de morceaux. Les algorithmes de ces plateformes jouent désormais un rôle crucial dans la découverte musicale, influençant les préférences des utilisateurs en fonction de leurs habitudes d’écoute. YouTube et Boomplay sont les plateformes les plus utilisées au Cameroun, en raison de leur gratuité. À côté de celles-ci,des plateformes comme TikTok aujourd\'hui permettent de créer des trends et de dicter du moins pendant une courte période le choix populaire.Il faut également noter que le passage au digital est un choix stratégique pour les maisons de disques, qui cherchent à maximiser leurs revenus et à promouvoir leurs artistes. Les plateformes de streaming offrent une visibilité et une accessibilité sans précédent, permettant aux artistes de toucher un public plus large. Don Jazzy de Marvin Records expliquait d\'ailleurs au cours d\'une interview que son label mettait environ entre 100-300 000 dollars sur un projet; ce qui est un tout petit peu révélateur de l\'incidence sur le public voulu ou non.Cependant,malgré la montée en puissance du digital, les médias classiques tels que la radio et la télévision conservent une place importante dans la consommation musicale des Camerounais. Le taux de pénétration d\'internet et sa cherté font que les médias classiques restent une source d\'information et de divertissement privilégiée pour beaucoup de Camerounais.
L\'impact réel de l\'anthropologie et multiculturalisme sur le public Camerounais
Au Cameroun,la consommation musicale varie considérablement dune région à une autre reflétant les particularités anthropologiques et culturelles de chaque région. Les habitudes de consommation sont influencées par les valeurs, les croyances et les pratiques culturelles locales, qui façonnent les goûts musicaux des habitants. Cette diversité culturelle est une richesse pour la scène musicale camerounaise, mais elle pose également des défis pour les artistes et les professionnels du secteur qui cherchent à toucher un public plus large. On ne consomme pas la musique à Yaoundé comme on consomme à Douala.
L’Impact du Développement de la Musique sur le Public Camerounais
Le développement de la musique au Cameroun a eu un impact significatif sur le public camerounais. D’une part, il a permis aux jeunes de découvrir de nouveaux genres émergents comme le Mbolé,le Bikossa et de nouvelles tendances musicales. D’autre part, il a également contribué à la perte de l’identité culturelle traditionnelle, notamment chez les jeunes qui sont de plus en plus influencés par la musique étrangère ce qui n\'est pas sans conséquence sur l\'économie locale : des streams tournés vers l\'extérieur,les achats de tickets pour les artistes extérieurs,la présence des annonceurs aux concerts portés par les artistes extérieurs plutôt que des artistes locaux. Et surtout, une menace insidieuse pour l\'identité culturelle du pays, ainsi qu\'une dévalorisation rampante des acteurs culturels aux yeux de la population.
La Musique camerounaise : Un \"Enfant de Parents Pauvres\" ?
La réponse incombe aux décideurs, qui tardent à financer le secteur et à élaborer des politiques culturelles susceptibles de lui insuffler un nouvel élan, ainsi qu\'aux acteurs du secteur eux-mêmes. Il est urgent de prendre des mesures concrètes pour soutenir les artistes locaux et promouvoir la musique camerounaise, car l\'avenir de cette musique est aujourd\'hui en jeu.