(Entre oubli numérique et désorganisation, un cri d’alerte pour préserver notre patrimoine événementiel.)
Les programmations de festivals, salons, concerts… Ces événements qui rythment nos vies, célèbrent la créativité et tissent les fils de notre mémoire collective. Pourtant, derrière leur éclat se cache une réalité brutale : LE VIDE.
Le constat
Lorsque vous cherchez des archives, vous êtes confrontés à une frustration immense. Des informations éparses, des données souvent introuvables, un véritable labyrinthe où seule une recherche manuelle, fastidieuse et décourageante, semble être l’unique solution. Ce silence numérique et ce chaos organisationnel sont des freins majeurs pour quiconque cherche à documenter, analyser ou préserver une trace de ces moments précieux.
Les festivals, salons et autres événements jouent un rôle majeur en dynamisant la vie culturelle, sociale et économique des territoires, tout en contribuant significativement au PIB local. Cependant, au Cameroun, l’analyse d’un échantillon d’une cinquantaine de projets répartis sur l’ensemble du territoire révèle une réalité préoccupante : l’absence d’archives et de documentation. Ce manque structurel met en lumière plusieurs problématiques concrètes.Il convient de noter que le Cameroun compte plus d'événements culturels que musicaux à proprement parler. Les régions du Centre et Littoral, avec Yaoundé et Douala, sont celles où l'on retrouve le plus grand nombre de festivals de musique au Cameroun, ce qui révèle la grande urbanisation des festivals de musique. Ce sont aussi les régions avec le plus de centres culturels actifs ainsi que le plus d’événements musicaux.
Les problématiques concrètes sur le terrain
- Absence de relevés de programmation : les événements ne conservent pas de traces systématiques de leurs activités.
- Impossibilité d'accès aux baromètres tels que la saisonnalité, l'ancienneté, la durée du festival ou salon, la jauge ainsi que le setup ou dispositif.
- Difficultés d’identification esthétique : impossible de comprendre clairement l’identité musicale ou artistique prônée par un festival ou un salon.
- Manque d’informations sur les œuvres diffusées : les performances artistiques, les créations présentées et les spécificités des artistes programmés restent souvent invisibles.
- Identification des artistes : difficulté de retrouver les noms des artistes, la composition de leurs groupes, ainsi que les rôles de chacun dans une performance donnée.
- Absence de données sur la diversité : impossible de mesurer des éléments comme le quota de genre, notamment concernant les têtes d’affiche.
- Absence de données audiovisuelles.
Les causes
L'absence d'archives et de documentation pour les événements culturels au Cameroun s'explique par une combinaison de facteurs. La négligence, qu'elle soit délibérée ou non, traduit souvent un manque de reconnaissance de la valeur du patrimoine immatériel. À cela s'ajoute une inertie administrative, caractérisée par des processus bureaucratiques lourds et un désintérêt institutionnel qui freinent les initiatives de préservation. En parallèle, les organisateurs eux-mêmes accordent généralement très peu d'intérêt à la documentation, souvent focalisés sur la logistique immédiate de l'événement plutôt que sur sa pérennité. Cette combinaison de désintérêts limite la transmission et la valorisation des mémoires culturelles.
Qu'est-ce-que l'archivage culturel ?
Avant d'y arriver, arrêtons-nous en premier sur l'archivage musical.
Selon la Revue BNU1 , l'archivage musical est un ensemble constitué d'archives intellectuelles (papiers savants, éditions annotées, correspondances, objets) pouvant contenir des brouillons de créateurs, des supports sonores ou audiovisuels, des partitions. Ces éléments représentent des enjeux spécifiques liés à la préservation du patrimoine musical et à la compréhension des processus créatifs.
L'archivage culturel, quant à lui, couvre un éventail plus large de documents et d'objets liés à la culture, notamment :
- Des archives écrites, telles que des manuscrits, des lettres et des documents historiques.
- Des archives visuelles, comprenant des photographies, des films et des vidéos.
- Des archives sonores, incluant des enregistrements musicaux, des discours et des sons.
- Des archives numériques, telles que des fichiers multimédias, des sites web et des données numériques.
C'est donc une tâche qui incombe aux institutions et pouvoirs publics,aux communautés,mais aussi et surtout aux organismes culturels…
Les bénéfices de l'archivage
- Assurer la transmission
- Entretenir la mémoire collective
- Éviter les problèmes juridiques avec les ayants droits
- Assurer et soutenir la création
- Avoir des gains financiers et exploiter des œuvres à des fins commerciales
- Évaluer l'impact d'un projet
- Sauvegarder de l'identité culturelle
- Cartographier
- Numériser
Les leviers à mobiliser par les organisateurs pour changer cette dynamique : Propositions concrètes.
- Créer une base de données centralisée pour les archives des événements culturels.
- Documenter systématiquement les programmations des festivals et événements.
- Former et éduquer les équipes à l’utilisation des outils technologiques pour créer des bases de données collaboratives.Sensibiliser les artistes à l'importance de la documentation et de la préservation de leur travail.
- Collaborer avec les institutions culturelles à ce jour, seuls l’Institut Français, l’Institut Goethe et l’Alliance Française semblent avoir des archives relativement à jour.
- Former et éduquer les équipes à l’utilisation des outils technologiques tels que Google Sheets, Airtable ou Notion pour créer des bases de données collaboratives.
- Sensibiliser les artistes qui eux-mêmes ne sont pas référencés
Les leviers à mobiliser par l’Etat
Créer et digitaliser une Médiathèque Musicale dédiée à la musique qui servirait à archiver les œuvres des artistes nationaux, les enregistrements et les partitions etc.tout en offrant un accès au public et aux chercheurs. Loin de là SONACAM et confier sa gestion aux profils professionnels et non à des copains.
Intégrer dans le système scolaire non seulement des cours de musique mais aussi et surtout créer des académies spécialisées pour former dans les métiers de la musique notamment des musicothécaires, des ingénieurs son,des producteurs etc.
Encourager des partenariats Public-Privé et travailler avec des entreprises privées afin de financer les projets musicaux, organiser des événements et promouvoir les artistes locaux de façon à ce que les organisateurs consacrent un peu plus de temps à la documentation et l'archivage plutôt qu’uniquement la recherche de partenaires financiers.